> Chronique de la vie économique wallonne : le regard de Didier Paquot

v Entrepreneuriat : y mettre le paquet !

2020-05 - Namur, le 19 octobre 2020. > [pdf]

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Pas de recul structurel de la pauvreté sans une économie créatrice d’emplois, pas d’emplois solides sans une industrie forte, pas d’industrie dynamique sans entrepreneur-e-s. 

Bien que tout lancement d’activité soit le bienvenu, on vise ici l’entrepreneuriat ambitieux, c’est-à-dire un entrepreneuriat à vocation de créations d’emplois et d’exportations.

Posons quelques repères de politique de support le long du chemin de l’entrepreneur-e. 

L’entrepreneuriat, c’est d’abord un état d’esprit collectif, un environnement incitatif. Les enfants de médecin font médecine, les jeunes à Liège supportent le Standard. Comme la plupart des entrepreneurs seront issus de leur rang, les universités ont une responsabilité décisive. Toutes les universités francophones s’y sont d’ailleurs mises, à des degrés divers : cours d’entrepreneuriat, structures pour les étudiants-entrepreneurs, interfaces pour aider à la création d’entreprises. 

Mais, il faut "tenir le pas gagné", comme écrivait Rimbaud, et littéralement baigner les étudiant-e-s dans une atmosphère entrepreneuriale. Aux universitaires que mon propos scandaliserait, je rappellerais seulement qu’il y a, de par le monde, une corrélation forte entre l’excellence d’une université et son esprit entrepreneurial. Et puis, on voit rarement une université se développer dans un désert économique, au contraire, c’est dans les zones les plus riches du globe qu’on trouve les meilleures universités. Développer de l’activité économique est dans le propre intérêt de nos universités.

Les jeunes entrepreneur-e-s doivent trouver un premier financement et un endroit où s’installer. En Wallonie, si on a un bon projet, on peut trouver sans trop de difficultés les premières dizaines de milliers d’euros. Il existe aussi nombre d’incubateurs, certes pas encore bien répartis sur tout le territoire, dans toutes les villes. N’hésitons pas à multiplier les lieux d’entrepreneuriat, des quartiers, des bâtiments, des étages, confortables, accueillants, bien équipés. L’entrepreneur-e doit se sentir choyé-e, valorisé-e. 

C’est l’étape qui suit l’incubation, le "scaling up", qui est, en Wallonie, la plus problématique. Que deviennent nos start-up, nos spin-off ? Disparaissent-elles, végètent-elles, ou au contraire grandissent-elles ? Personne ne le sait vraiment. Or l’objectif final d’un incubateur n’est pas de créer le plus d’entreprises possibles, mais bien des entreprises dont le potentiel de croissance est important. Un réel progrès pour mener une politique d’entrepreneuriat efficace serait la constitution d’une base de données de ces jeunes entreprises. On pourrait en tirer de nombreux enseignements pour les politiques d’incubation et de croissance. 

Un plus grand nombre de start-up et de spin-off pourraient sans doute être créés sur le sol wallon, mais on ne s’en sort pas trop mal. La vraie faiblesse est que très peu deviennent des entreprises importantes, disons de plus de 200 personnes, idéalement de plus de 500 personnes. Pourquoi ? Il faut aller sur le terrain pour trouver les réponses, suivre nos jeunes entreprises, les interroger, et consacrer les ressources nécessaires pour répondre à leurs besoins, quitte à réduire d’autres programmes qui ont de toute manière un impact très questionnable. Comme l’écrit Daniel Isenberg, un des meilleurs spécialistes universitaires de l’entrepreneuriat : "ce qu’il faut c’est un système où les entreprises qui le méritent reçoivent des ressources et, non moins important, que celles qui ne le méritent pas ne reçoivent rien".

La place manque pour couvrir et détailler l’ensemble d’une politique en faveur de l’entrepreneuriat. Pourtant, si elle veut donner des résultats, celle-ci doit couvrir un large spectre – réseaux, finance, talent, services de support, culture, etc. Comme l’écrit encore D. Isenberg : "Chacune des mesures prise isolément peut favoriser l’entrepreneuriat mais elle est insuffisante pour le soutenir. C’est pourquoi beaucoup d’efforts gouvernementaux sont des échecs – parce qu’ils n’adressent que quelques-uns des éléments de l’écosystème entrepreneurial".

L’ambition d’une politique de l’entrepreneuriat doit être à la mesure de celle des entrepreneur-e-s qu’elle veut servir. Mais il faut un pilote dans l’avion, qui assurera une cohérence et une dynamique. Ne pourrait-on songer à ce qu’un petit nombre de personnes déjà actives dans l’entrepreneuriat – université, incubateur, financement –, indépendantes des pouvoirs publics, se rassemblent et soient force de propositions et d’enthousiasme pour doper l’entrepreneuriat wallon ? 

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